Les 3 Souchon — Alain et ses fils Pierre et Ours (Charles de son prénom) — avaient chanté ensemble pour quelques galas de charité. Et ils avaient aimé ça. Alors ils ont remis ça. Une tournée de quelques dates tout d’abord. Puis, face au succès de ces chansons éternelles chantées sans artifice par un père et ses deux fils, la tournée s’est allongée sur plus de 110 dates dont 3 Olympia, 3 Dôme de Paris, 9 Casino de Paris et même The Town Hall à New York, affichant tous complet. « Studio Saint-Germain » n’est autre que l’immortalisation de cette séquence musicale et familiale de haute teneur. Un album enregistré en quelques jours, au Studio Saint-Germain justement, quartier où la famille Souchon a ses habitudes. Des arrangements simples (guitare, piano, voix) et des titres épurés qui laissent naturellement place aux mots d’Alain. C’est beau et fragile. La forme rejoint le fond puisque oui, tout est fragile et ça, Alain l’a chanté mieux que quiconque. Fragile comme un baiser qu’on dépose, fragile comme une balade sur une corniche, fragile comme l’amour… Toutes les grandes chansons d’Alain sont là et elles nous sont chantées dans leur plus simple appareil, comme si c’était la dernière fois. Ou la première. Transmises du père à ses fils puis d’eux vers nous, tel un ruissellement subtil. Cette lumière de fin du jour, cette heure dorée qui ne dit pas son nom, révèle les textes d’Alain dans tout leur génie. “La Ballade de Jim” en est le parfait exemple. Débarrassée de ses ornements très 80, c’est sans doute la plus transfigurée de toutes les chansons de l’album. On n’a jamais aussi bien goûté cette ballade mélancolique, cette ritournelle doucereuse à la pulsation tranquille. Il y a les chansons mélancoliques qu’on croyait connaître et des mots qu’on n’avait à peine entendus : J’aime les hommes qui sont ce qu’ils peuvent, assis sur le bord des fleuves… (« La beauté d’Ava Gardner »). “Rame” canonne à tout va et on pagaie (et on chante) avec eux. “Somerset Maugham” nous émeut aux larmes. Il y a aussi les chansons sociales voire politiques, plus pertinentes que jamais : “C’est déjà ça”, “Et si en plus y’a personne” et “Foule sentimentale” sont parmi les plus applaudies de cette tournée. Ce n’est pas un hasard : elles continuent de nous raconter l’époque comme si elles avaient été écrites avant-hier. Et puis il y a toutes les autres : “J’ai 10 ans” et son immuable jeunesse. Enfance meurtrie que l’on redécouvre aussi dans un “J’étais pas là” qui prend au cœur. Souchon est un chanteur de proximité. Il nous dit des choses universelles avec des tournures uniques qui impriment le cortex. Et quand il nous invite à “S’asseoir par terre”, on n’hésite pas une seconde. Cette chanson méconnue de 1976 est sûrement l’une des plus belles du répertoire, invitation avant l’heure à décroître et à contempler. Cet album est une relecture au plus intime et au plus simple de tout ce qui fait la force d’une bonne chanson : un texte éclairé et une jolie mélodie. On a beau connaître ces chansons sur le bout des doigts, le plaisir est intact, voire renouvelé. Et à la question “À quoi tu penses ?” posée par Ours (seule chanson « filiale »), la réponse vient toute seule :